Choix de répertoire : entre création, reprises et identité

Introduction

Le choix de répertoire demeure un acte fondateur dans le parcours d’un musicien. Qu’on débute ou qu’on soit confirmé, la sélection des morceaux — compositions originales ou reprises — engage des dimensions esthétiques, psychologiques et stratégiques. C’est une déclaration d’intention, un miroir de ses influences, un pas vers sa singularité.

1. Composer ou reprendre ? Un axe de définition

Quatre grandes approches

• Compositions originales uniquement : l’artiste cherche à affirmer une parole singulière. Cette démarche marque une volonté de ne pas dépendre d’un patrimoine existant et d’ancrer son œuvre dans une logique d’auteur.
• Reprises exclusivement : commun dans les débuts ou dans certains contextes professionnels (animation, hommage), ce choix permet de s’inscrire dans une tradition et de maîtriser un langage existant.
• Principalement des compositions : une posture mixte où l’originalité prime, mais reste ouverte aux clins d’œil ou aux repères pour le public.
• Essentiellement des reprises : souvent lié à des stratégies de visibilité, ce positionnement met l’interprétation au premier plan, tout en laissant de la place à la créativité.

Dimensions associées

• Créativité : l’écriture met en lumière la capacité à inventer, mais la réinterprétation peut être tout aussi créative.
• Prise de risque : composer expose davantage, toutefois interpréter avec sincérité et justesse demande également du courage.
• Objectifs : selon que l’on vise la scène, l’enregistrement, l’enseignement, le plaisir personnel ou une carrière durable, les équilibres changent. Certains choix répondent à une tendance passagère, d’autres à un besoin ponctuel ou saisonnier. Certains enfin s’inscrivent dans une vision à long terme, capable d’évoluer avec l’artiste.

2. Types de compositions et de reprises dans le choix de répertoire

Les compositions

• Exploration de genre : écrire dans un style existant (rock, samba, blues, reggae, forró…) permet d’assimiler ses codes tout en y imprimant sa patte.
• Création alternative : mélanges, inventions, langages personnels… Ces choix demandent du recul, de la culture, une grande exigence.

💡 Ce délicat équilibre entre familiarité et nouveauté rejoint le principe MAYA, qui consiste à innover sans perdre son public.

Les reprises

• Relectures et arrangements : modifier la structure, l’harmonie ou le rythme d’un morceau de renom permet de se l’approprier.
• Reproductions fidèles : exercice de style ou démarche pédagogique, elles révèlent un rapport fort au modèle ou au patrimoine.

Chaque choix de répertoire soulève une question essentielle : est-ce que je m’affirme, est-ce que je rends hommage, est-ce que je cherche à séduire, apprendre ou provoquer ?

3. Un révélateur de positionnement artistique

Le répertoire est souvent la première chose perçue par le public. Il donne des indices précieux sur l’identité musicale de l’artiste :

• Le style visé (rock, chanson, musique du monde…)
• Les influences majeures
• La posture artistique (avant-garde, mainstream, intermédiaire…)
• La stratégie (capter un public, construire une image, se former.)

Il agit aussi sur le plan social et symbolique :

• Reprendre Nina Simone ou créer un morceau original dans sa veine ne renvoie pas le même message.
• Explorer plusieurs genres ou rester dans une esthétique cohérente implique des choix sur la lisibilité artistique.

4. Le choix de répertoire comme outil de maturité

Ce point est particulièrement important pour les jeunes artistes. Il n’est pas toujours confortable d’en parler, mais il est nécessaire de franchir cette phase dans laquelle l’on cherche à ressembler à ses modèles. Il n’est pas rare, surtout au début, de voir des artistes développer une esthétique très proche de leurs modèles, jusqu’à susciter l’impression implicite : « On dirait que je suis tel artiste. » Ce phénomène n’est pas restreint à la musique et se retrouve aussi dans d’autres disciplines comme le sport ou les arts visuels. Cette posture, bien que formatrice, peut devenir un frein si elle n’est pas dépassée avec lucidité.

Avec le temps, les artistes affinent leurs intentions :

• Passer de l’imitation à l’expression.

💡 Pour enrichir ses idées de relectures ou transformer des influences, certaines méthodes comme SCAMMPER peuvent stimuler l’inventivité.

• Trouver une cohérence dans la diversité.
• Réconcilier influences et singularité.

Sortir de sa zone de confort est une étape essentielle dans ce processus. Oser proposer un répertoire différent, original ou inattendu, demande du courage. Mais, cela suppose aussi de trouver un public prêt à sortir de la sienne. C’est un double défi : artistique d’un côté, relationnel de l’autre.

Ce que cela implique

• Expérience musicale : capacité à effectuer des choix justes, cohérents, alignés sur sa sensibilité.
• Maturité psychologique : accepter de s’exposer, assumer sa voix, ses goûts, sa différence.
• Rapport à la reconnaissance : moins dépendre de l’approbation extérieure, chercher une reconnaissance qualitative plutôt que quantitative.

Conclusion

Le choix de répertoire révèle bien plus qu’un goût musical. Il dévoile une posture, une trajectoire, une stratégie intime. Composer, reprendre, réinterpréter : chaque décision construit l’artiste, dans sa voix comme dans sa vision.

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